CUTTER: un rap explicite mais sensible

J’ai découvert Cutter, via Groover, mais sur un de ces autres projets, le groupe Tel Quel. Sa voix m’avait pas mal intrigué, son flow aussi et la chanson en elle-même était assez surprenante. Bref, nous sommes entrés en contact et j’ai découvert un artiste aux multiples facettes. Originaire de Montpellier, Cutter a développé un projet personnel et a sorti récemment un album « Mesdames & Messieurs » de 12 titres que j’ai trouvé vraiment atypique dans le paysage du rap français actuel. Les textes sont assez crûs dans l’ensemble. Il parle de sexe sans détour, mais c’est bien écrit et ça fait toute la différence avec certains morceaux de rap utilisant la sexualité comme un cliché devenu galvaudé à force d’être systématique. Cutter parle des relations humaines sans faux-semblants. Il a un véritable univers qu’il serait réducteur de limiter à cet aspect d’ailleurs. Il y a une certaine nonchalance dans sa voix, teintée d’une mélancolie qui m’a touchée.

Gros coup de coeur sur quatre morceaux en particulier: « Je m’en vais », « Pavillon de nuit » en feat avec Gio, « Trop sensible » et le dernier single « Mi piace ».

Il a déjà pas mal foulé les planches des salles de concerts, faisant les premières parties de Dooz Kawa, Davodka, Hippocampe Fou, Casey ou encore Oxmo Puccino.

Mais je vous laisse découvrir ce rappeur sensible dans l’interview qu’il m’a accordé cette semaine avec beaucoup de générosité dans ses réponses et de sincérité.

Je vous invite aussi à le suivre sur ses réseaux sociaux

Parle-nous de toi de quelle planète, viens-tu ?
Avec plaisir. Que te dire, moi, c’est Cutter, je suis né dans le Sud de la France sans avoir vraiment la sensation de venir d’ici, enfin, disons que ce n’est pas quelque chose qui se ressent dans ma musique ou qui fait partie de mon identité. J’ai un peu ma propre planète en construction dans ma tête, je crois !

À quoi correspond ton pseudo ?
A plein de références obscures. Ca n’a pas toujours été mon pseudo, mais de réduction en réduction il m’est reste Cutter, et aujourd’hui je trouve que ça me correspond, ce caractère de type un peu rasoir, cette manière de découper les mots, les samples, et d’être un peu tranchant dans les propos… 

Quel est ton style musical et influences musicales?
Je fais du rap. Même si on me dit parfois qu’aujourd’hui, je ne fais plus du rap.
Même quand je vais chanter ou aérer mon flow, je sais que je fais du rap, je sais tout ce qui me vient du rap dans le vocabulaire ou les placements, je sais à quels artistes je pense quand je me lance. Au niveau influences musicales, c’est par contre très large.
J’ai beaucoup d’affection pour le rap qui a su rester brutal, polémique, mal vu un peu destroy… Et en même temps, j’aime beaucoup le côte mélodieux de choses assez pop, mignonnes.

De quel instrument joues-tu et depuis quand ?
Eh ben je joue avant tout de ma voix, sous toutes ses coutures.
Je joue également beaucoup avec mes petits samples un peu bizarre sur ma mpc, un peu branque avec une jambe de bois, tu vois. Je ne me considère pas du tout comme beatmaker, mais du coup quand je fais des prod je m’amuse parce que je fais des trucs que je n’ai pas l’impression d entendre partout ailleurs… C’est comme dans le film Birdman : la surprenante vertu de l’ignorance.

Parle nous de l’histoire de ton album « Mesdames et Messieurs »
C’est un album que j’ai commencé à construire sur mon dictaphone en 2017. J’avais envie de faire un album sur les relations amoureuses homme-femme parce que j’étais complètement dans ces prises de tête là sur le moment. Finalement, aujourd’hui, je suis content de l’album, c’est un pas en plus vers ce que je suis musicalement. Des gens m’ont dit que j’avais trouve mon délire, c’est vraiment important ça. Par ailleurs cet album, c’est aussi ma réponse à tout ce rap qui a les plus belles filles, le plus d’argent etc… J’écoute aussi des albums comme ça, mais j’avais envie de dire « Ouais ok moi, je ne connais pas ce genre de relations où tout se passe facile et où y a jamais rien de gênant, mais tant mieux pour vous ». Du coup, j’ai dit des trucs bien moins glorieux !

Si tu devais définir cet album en un mot ?
Je dirais : tourmenté.

Pourquoi t’es-tu tourné vers le rap pour t’exprimer ?
C’est ce que j’écoutais, ce que j’avais sous la main, c’était plus rapide que d’écrire un scénario de film ! Quand j’avais genre 12 ans et que j’ai découvert Eminem, je crois que ça m’a retourné le cerveau, ce type sorti de nulle part qui avait été un gosse bizarre, qui rappait mieux que tout le monde et qui allait loin dans l’intimité et la provoc.

Tu es en autoprod, est-ce que tu cherches absolument à signer avec un label?
Non pas du tout. Je ne pense pas que ce soit le chemin pour moi ou pour les groupes dans lesquels je joue. S’il doit se profiler un chemin et se passer un truc, je pense que ce sera plus sur le côté, créer notre public et le faire suivre nos différents projets sur notre propre label.

Comment conçois-tu tes clips ?
Ça m’est pas mal arrivé de trouver les idées de mes clips, parce que je suis assez cinéphile, mais depuis quelque temps, je travaille avec une équipe sur le côté visuel etc., c’est intéressant d’avoir des propositions extérieures sur tout ça.

Quel est ton rapport à la scène ?
Un rapport passionnel ! Je suis pleinement dans le truc quand je suis sur scène, pas de demi-mesure qu’il y ait 500 ou 30 personnes. Il n’y a pas le choix, il faut y aller. Et j’adore ça.

En quoi la scène enrichit-elle ton écriture musicale ?
Bonne question. C’est un échange entre les mots, les sons et la gestuelle. Physiquement, les mots vont m’inspirer des choses. Mais le ressenti physique et cette énergie peut aussi inspirer des ambiances, des refrains… J’y pense pas dans un premier temps, mais ça vient vite.

Dans ta loge idéale, on trouve quoi ?
Que des trucs mignons. Du bon thé, du miel, des saloperies chocolatées. Des bons fauteuils.

Sur ta scène idéale, on trouve qui ?
Je te dirais les gens avec qui j’ai toujours travaillé, Fat Shew de Frères De Chaussures au micro, Dominique Gazaix de Tel Quel au violoncelle, Tyza La Réplic sur la MPC ! Ca va être un bordel, mais bon, c’est idéal !

Peux-tu nous raconter le moment le plus marrant, inattendu ou gênant que tu es vécu sur scène ?
Y en a eu beaucoup des drôles. Il y a une vidéo marrante sur un vieux live solo, à un moment Fat Shew qui était mon backeur sur ce live, me pousse en mode NTM tu vois, et en fait il m’a un peu déboîté l’épaule ça dû faire crac, on voit très bien ma réaction de surprise sur la vidéo c’est marrant.

Y a-t-il des artistes avec lesquels tu rêves de jouer ou avec qui tu as déjà eu la chance de jouer ? 

Pour le fun des bêtes de scène comme Joey Starr, Busta Rhymes, Method Man… Des types dont je suis plus vraiment dans le feeling, mais qui m’ont fait kiffé sur scène. Sinon je suis très fan de Lino d’Arsenik, alors pour le fun encore une fois, mais faudrait qu’on fasse un morceau tous les deux !

Es-tu un grand utilisateur des réseaux sociaux ?
Oui, mais sans grands résultats, pour ma part partager ma musique ça marche surtout pendant les concerts, les ateliers, etc.

Aujourd’hui, est-ce que tu vis de ta musique ?
Oui. Je vis en faisant seulement de la musique, des concerts, des ateliers, des projets en collaboration diverses et variées. C’est une chance, je ne fais que des choses qui m’intéressent et ça me fait vivre, je ne vais pas me plaindre.


Comment as-tu vécu le confinement et quel regard, as-tu sur ta vie d’artistes dans les mois à venir ?
Je l’ai plutôt bien vécu ça va. Je pense que ça nous a forcé en tant qu’artistes à faire preuve d’humilité dans le meilleur des cas, à ne pas forcément dire ce qu’on pense et montrer des choses à tout-va. Maintenant, il faut s’y remettre, je ne me suis pas arrêté en vrai, mais malgré ça, il faut quand même arriver à redémarrer quelque chose !

Quel conseil donnerais-tu à un jeune musicien qui souhaite en faire son métier ?
Je lui dirais de n’attendre personne. Chaque personne, chaque chose que tu peux obtenir ça va être à toi d’aller les chercher, prends les choses au sérieux dans ta création, tes relations au public et lâches pas ton truc à toi. 

Le temps vient de s’arrêter, tu peux choisir le moment qui a changé ta vie jusqu’à aujourd’hui ? 

Ma première scène en 2010. Je crois que je suis un peu né ce jour-là ! On était 10 sur scène, on avait créé une dizaine de sons, 1 heure de concerts en 1 mois, c’était probablement n’importe quoi, mais ça a vraiment changé ma vie.

Quelles sont les prochaines étapes de ton développement ?
On continue à défendre l’album Mesdames & Messieurs, pour la suite, il faut maintenir le cap, sortir et mettre en avant comme il faut les meilleurs morceaux en stock. J’ai d’autres projets qui arrivent et il faut rester sur notre ligne de conduite, viser juste, aller vers les gens qui nous comprendront. 

C’est le moment de partir sur Mars, tu emmènes quel disque avec toi dans l’espace ?
C’est chaud ! Je suis tout seul ou bien y a ma copine pour discuter ? Non en vrai, je crois que je prends l’album 2001 de Dr Dre. Parce qu’il a vraiment représenté tout ce qui m’a fait aimer le rap à l’époque. Puis il y a certains sons qui vont coller nickel avec la vie dans l’espace, je crois !

Crédits photos: Cozette Corp

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